Béatrice de Die
"Je dois chanter des choses que je préférerais taire
Tant ma rancoeur est grande
Envers celui que j’aime plus que tout.
Pour lui ne valent ni grâce ni belles manières,
Ni ma beauté, ni ma vertu, ni mon entendement.
Car il m’a trompée et trahie
Comme si j’étais devenue méprisable."
On doit ces vers à la Comtesse de Die, trobairitz (troubadouresse), qu'elle chantait sur une mélodie qu'elle a composée.
Dame de noble naissance, elle pratique une poésie élaborée, au même titre que ses collègues troubadours. Il semble que dans la Provence des XII° et XIII° siècles, les femmes jouissaient de davantage de liberté que les siècles précédents, et les trobairitz ont été nombreuses. Elles étaient le plus souvent riches et instruites. On trouve mention d'une vingtaine d'entre elles et environ 32 poésies leur sont attribuées. Mais notre Comtesse de Die est la seule dont on ait une chanson
Epouse de Guillaume de Poitiers, elle tomba folle amoureuse du seigneur Raimbaut d'Orange, et fit à son sujet maintes bonnes poésies.
Grande peine m’est advenue
Pour un chevalier que j’ai eu,
Je veux qu’en tous les temps l’on sache
Comment moi, je l’ai tant aimé;
Et maintenant je suis trahie,
Car je lui refusais l’amour.
J’étais pourtant en grand’folie
Au lit comme toute vêtue
Combien voudrais mon chevalier
Tenir un soir dans mes bras nus,
Pour lui seul, il serait comblé,
Je ferais coussin de mes hanches;
Car je m’en suis bien plus éprise
Que ne fut Flore de Blanchefleur.
Mon amour et mon cœur lui donne,
Mon âme, mes yeux, et ma vie
Bel ami, si plaisant et bon,
Si vous retrouve en mon pouvoir
Et me couche avec vous un soir
Et d’amour vous donne un baiser,
Nul plaisir ne sera meilleur
Que vous, en place de mari,
Sachez-le, si vous promettez
De faire tout ce que je voudrais.