L’avion a revêtu sa traîne de mariée
Pour traverser le vaste ciel d’une lancée
Fort attendu, on ne sait où, à l’autre bout
Il ne pouvait manquer ce rendez-vous.
Et par-dessus les toits et par-dessus les champs
Il s’élançait sans bruit toujours plus en avant
Traçant à l’infini sa ligne d’horizon.
Un chat, bien sagement assis, le regardait
La tête fixe. La queue en accordéon
Jouait, ondulant telle un serpent qui rampait.
Car lui aussi aurait bien aimé voyager
Passer les sables blancs, survoler l’océan
Voir de haut la girafe amie du sanglier
Connaitre le Persan, l’Egyptien, le Birman,
Sauter comme un mouton de l’Inde à l’Australie
Déguster le criquet et la souris rôtie.
Mais sa vie s’écoulait, rythmée et si tranquille
Sur son carré de terre, à jamais attaché
Il attendait son tour, le regard élevé
Vers l’échappée belle et ce rêve qui file.
Pauline Ambrogi
À la chaleur du soleil, j’ai fermé les yeux
J’ai senti sa douceur se poser sur ma peau
Me brûler de cent feux comme un baiser soyeux
M’étreindre et m’animer d’un sentiment nouveau.
Je me laissais bercer par le chant de l’oiseau,
La brise marine et ses accents audacieux,
Le rire des enfants, le clapotis de l’eau,
Le vol d’une mouche vrombissant et furieux.
J’étais dans ce jardin aux carrés d’herbes folles,
Aux senteurs frivoles qui au matin s’envolent,
Aux mille insectes fous qui tournoient aux beaux jours.
Les pavots défroissaient leurs ailes de soies pâles
Et d’un cœur ténébreux, écartaient leurs rivales,
Pour paraître, enfin, comme des gens de cour.
Pauline Ambrogi
La brume convoite un reste de jour laiteux
Métissé à la nuit et qui meurt entre-deux
Comme un sursaut de vie, une flamme flétrie
Se perd dans les terres, soumise et affaiblie.
Il fourmille dans l’air un silence sacré,
Vient l’heure de rentrer. Le temps s’est arrêté.
La nature saisie attend, plus rien ne passe
Les lendemains se figent en voile de glace.
Déployant ses bras morts bien au-dessus des toits
L’arbre nu dort comme une belle aux bois.
Ni clameur ni râle, la création s’est tue.
Le froissement d’aile d’une chouette repue
Gifle en sursaut le ciel emmitouflé de gris
Bientôt, l’obscurité se dépose en glacis.
Pauline Ambrogi