Quel ultime effort pour fuir cette haine,
La femme accouchant couverte de sang
Put échapper à l'entrave des plaines.
Les infirmiers s'avançaient chuchotant
Des baisers à son doux ventre de laine.
Sa robe aux fronces bleues piquées de blanc
Éclairait la mère comme l'écume
Que la houle par ses cris haletants
Tyrannisait, délivrant dans la brume
Les premiers pleurs de l'enfant effrayé.
Deux soldats les portèrent d'amertume
Vers les abris par les siens protégés.
La peau bercée au jaune de molène
Heureuse au bleu de la maternité.
Quel ultime effort, vivre souveraine.
Alain Fleitour
juillet 2022
Chaque abri jaune et bleu protégeait ses enfants,
Des grappes de givre en cachaient les persiennes
A enlacer les jours et suspendre le temps.
Le monde agonisait sous le vent de la haine
Guettant un fol espoir jusqu'aux frémissements.
Dès la lueur du jour les élus de l'Ukraine
Ont sonné le réveil de combattre en chemin
Sauver la liberté la seule souveraine
Ne plus se retourner, ou mourir de chagrin.
S'accrocher au passé, oublier les vivants.
Palaces, pots-de-vin, baudruches des larbins
Obéir et frémir, ravaler ou se taire,
Lot des vils serveurs de monarques assassins
Ne plus oser parler, ou dénoncer son frère.
Le roi se meurt bouffi dans un râle haletant.
Ils dresseront leurs yeux vers ce roi chancelant,
Demain viendra la liberté des hommes frères,
Chaque abri jaune et bleu renaîtra du néant.
Un fol espoir perce sous le gel de leurs peines.
Chaque abri jaune et bleu connaîtra le printemps.
Alain Fleitour
Juillet 2022
Une femme jouait dans l'ombre d'un salon,
Le piano vernis perlait à la lumière,
Un fin rideau de pluie en voilait la verrière
Les larmes du ciel étincelaient à foison.
Serrant ses doigts hantés par le poids de l'oubli
Dévotement les mains retrouvaient leurs arpèges,
Des notes en croches ravivait leur manège,
Bach, le prélude en fa mineur comme un défi.
Les doigts électrisés jonglaient avec les touches
Leur ardeur ravivait une vieille blessure
Rencontre inachevée par une autre brûlure.
Les mains vagabondaient en multiples retouches.
La mélodie suivait de sinueux accords,
Mimant les grands jetés de deux corps en extase
Et chaque enchaînement effaçait d'une phrase
Les regrets du passé, pour un nouveau décor.
.
Le tempo déchira le nuage du temps,
Un bonheur apaisé brillait à ses paupières
Émue par un silence aux notes printanières
Prélude ou impromptu dans l'eau ridée du vent.
Alain Fleitour
Juillet 2022
Mes sens devenaient aquatiques
Le soleil me saoulait de sa liqueur dorée
Bercé par les courants que la houle fracasse.
J'apprivoisais la mer, ses battements voraces
D'écumes meurtries aux déferlantes sacrées.
La fraîcheur me piqua comme un Limoux glacé,
Captif des profondeurs marines où l'espace
Du ciel au dessus de moi dessinait la trace
De pétrels-tempête de cormorans zélés.
J'ai embrassé de douces laminaires brunes,
Et me suis endormi au plein feu de la lune,
Troublant les silences en secret dévoilés,
Pour y dévorer des rêveries fantastiques.
Caressant les failles aux lèvres oubliées,
Mes sens transfigurés devenaient aquatiques.
Alain Fleitour
Dans l’île enchanteresse appelée Microdouce
Des nains robotisés habillés de peaux d’ours
Suivaient docilement la sournoise Opéra
La blonde recyclée aux multiples appâts.
Si vorace est Google que la sage Jitsi
Se moquant de windows apparut à son nid
J’en fus tout retourné je vous voyais enfin
La webcam en vibrait je l'animais serein.
Humiliée, la Gopro supplia mon pardon
De se mettre en rideau devant mes compagnons.
Ah ! Si fier ce fourbe au doux nom de Bill Gates
Se sert de tous les bugs pour glisser à ma tête
Un tas d’applications inutiles et bavardes
De rage les efface, en argot, les canarde.
Alain Fleitour
Références
Sté Microsoft littéralement Sté Microdouce
Applications ; navigateur Opéra, réunion zoom,
Jitsi concurrent réunion de zoom microsoft
Mon frère
Muettement son regard fléchissait,
à peine une hésitation ardente de lenteur
comme un scrupule,
tel un mouvement d'horloger assourdi.
Il lisait des mots
comme le ferait un goutte à goutte,
pour atténuer l'inquiétude de ses mains.
Mais le frémissements de ses lèvres
se heurtait à la porte de la voix,
sa voix enfermée par le verrou du désir.
Ces mots, trop grands, trop blancs,
trop purs s'épuisaient
pourtant, l'espace qui les noya.
les avait imaginé ces mots immenses...
Maintenant ils plongent dans sa gorge
s'enfoncent dans son ventre
ils vont mourir,
ce jour encore.
Alain Fleitour
"En l'étude à midi j'ai reçu témoignage."
Du printemps revenu aux abords de l'enclos
Tous les matins jasaient, déclamant leurs tutos,
Deux Ânes forts butés agaçaient leurs parages.
Jean ne supportant plus le déluge de sons,
Convoqua les baudets pour donner sa leçon.
"Qui perce nos tympans ?" Mimant le polisson,
Le plus grand des Baudets se moqua du bougon !"
Un Âne Montmartrois a l'âme du poète,
Son humble naturel est prudent et tranquille,
Sobre, il se contente des blagues les plus viles,
Les plus insipides que laissent les girouettes.
Ce qui le distingue de ses autres confrères
C'est son attachement à Pierre Dac et aux siens.
Il veille aux chansonniers, il surveille leurs biens,
Toujours un brin d'humour au piquant de vipère.
En quelques mots il devient rebelle et têtu.
"Qui voudrait se vêtir d'une vanne aussi gourde" ?
Bien échauffé, rétif, il vous mime une sourde,
Son mental étant sec, il joue les saugrenus.
Il peut partir en trombe ou bien faire des sauts
Vous laissant loin derrière, comme un sot.
Il s'illustre alors avec panache en Flamby !
Par malice s'endort sur un nid de fourmis.
La Fontaine causant de vanité leur dit :
"Maîtres Baudets, que le noble amour vous préserve
La robe sert à ceux dont l'âme est pleine de verve,
Braire et laisser rire en jouant aux mots d'esprit
Ils font parler leur cœur, autant que leur esprit.
Alain Fleitour
Oh ! Splendides Baisers
Libres les baisers glissent
Vers des lèvres Complices.
De rire les baisers dérivent
Et se perdent sur nos rives.
Les baisers récidivent
En caresses naïves.
Oh baisers splendides
Des ivresses intrépides.
Oh ! Naïfs Baisers
Les baisers vivent et se blessent
Sur de libres tendresses,
Aux lèvres les baisers agonisent,
Tristesses qui nous épuisent,
Naïfs baisers livides
Sur les tristes covides.
Les baisers se dégrisent,
Ne survivent que les brises.
Alain Fleitour