Si Florian n’est pas le premier nom de fabuliste qui nous vient à la pensée il nous a cependant laissé nombre de fables contenant des expressions passées dans le langage commun : « éclairer sa lanterne » (Le Singe qui montre la lanterne magique), « rira bien qui rira le dernier » (Les Deux Paysans et le nuage).
Voici un poème que vous connaissez à coup sûr mais dont vous aviez peut-être oublié le nom de l’auteur.
(Mise en musique de Jean-Paul-Égide Martini (1741-1816))
Suivit d’une jolie fable intitulée Le Grillon. Il était le petit-neveu du grand Voltaire.
Yves Tarantik
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment,
Chagrin d’amour dure toute la vie.
J’ai tout quitté pour l’ingrate Sylvie,
Elle me quitte et prend un autre amant.
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment,
Chagrin d’amour dure toute la vie.
Tant que cette eau coulera doucement
Vers ce ruisseau qui borde la prairie,
Je t’aimerai, me répétait Sylvie…
L’eau coule encor, elle a changé pourtant !
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment,
Chagrin d’amour dure toute la vie.
Romance extraite de Célestine (1784),
Recueil «Les Nouvelles de M. de Florian ».
Un pauvre petit grillon
Caché dans l’herbe fleurie
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.
L’insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;
L’azur, le pourpre & l’or éclataient sur ses ailes ;
Jeune, beau, petit-maître, il court de fleur en fleur,
Prenant & quittant les plus belles.
Ah ! disait le grillon, que son sort & le mien
Sont différents ! Dame nature
Pour lui fit tout & pour moi rien.
Je n’ai point de talent, encor moins de figure ;
Nul ne prend garde à moi, l’on m’ignore ici bas :
Autant faudrait n’exister pas.
Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d’enfants :
Aussitôt les voilà courants
Après le papillon dont ils ont tous envie :
Chapeau, mouchoirs, bonnets, servent à l’attraper.
L’insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.
L’un le saisit par l’aile, un autre par le corps ;
Un troisième survient & le prend par la tête :
Il ne fallait pas tant d’efforts
Pour déchirer la pauvre bête.
Oh ! oh ! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux vivons caché.