Peu avant la mort de Desportes, Henri IV commande des vers à Malherbe. Ce sera l’ode sur le voyage à Sedan. Puis une nouvelle commande d’Henri IV qui veut séduire l’épouse du prince de Condé. Cette fois, il a gagné. A 50 ans, il devient poète de la Cour et se transforme en porte-parole politique. Il écrit de nombreuses pièces officielles : odes, stances, sonnets et chansons et va passer une vingtaine d’années à épurer la langue, à combattre l’italianisme et l’envahissement des dialectes, à codifier la versification, et lui donner sa cadence classique. Une rigueur qui vaudra à Malherbe, sévère jusqu’au ridicule, notamment avec les précurseurs de la Renaissance, les surnoms de « vieux pédagogue » et de « tyran des mots et des syllabes ».
Il faut dire que, lui, qui n’a pas eu de mots assez durs vis-à-vis de Ronsard, chef de la Pléiade et n’hésite pas à déclarer « qu’il donnerait toutes les œuvres de Ronsard pour une chanson du Pont Neuf 1»
Malherbe ne partage pas les préjugés de la Pléiade qui réserve la poésie à une élite. Pour lui, elle doit être comprise du plus grand nombre et de déclarer « qu’il n’apprêtait pas les viandes pour les cuisiniers...et qu’il faisait les vers pour être lus dans le cabinet du Roi et dans les ruelles des dames, plutôt que dans sa chambre ou dans celle des autres savants en poésie ! ». C’est dit. En un mot nul besoin de dictionnaire ou autre livre savant pour lire et apprécier un poème. Malherbe reconnaît la nécessité de dons poétiques mais ils ne peuvent en aucun cas garantir la valeur d’un poète. L’inspiration est octroyée comme une sorte de matériau brut dont le véritable poète saura, à force de travail, en faire une œuvre d’art. Non sans humour, il déclare à son disciple Honorat de Bueil Racan « Nous avons été deux arrangeurs de syllabes , et...nous avons eu une grande puissance sur les paroles... » Guez de Balzac rapporte que le poète doit « barbouiller une demi-rame de papier pour corriger une seule stance ! » Et Racan d’écrirepho dans ses mémoires : « qu’un jour une relation de Malherbe perd son épouse. Aussitôt il prépare un poème de consolation. Mais le poème arriva si tard que le veuf était remarié. Le poète ne pouvait quand même l’obliger à perdre sa seconde femme pour rendre la vérité à ses vers ! »
1 - Une rengaine à 4 sous. Anecdote rapportée dans les mémoires d’Honorat Bueil de Racan