L’association Le Pont des Arts et des Rencontres Culturelles Blanche Maynadier fêtait le centenaire de la naissance de cette poétesse et écrivaine du XXème siècle le 6 mai 2023 à Évreux. Rien ne prédestinait cette femme de lettres à une aussi belle et fructueuse carrière littéraire. Elle reçut plus de soixante coupes, 200 médailles et ne comptait plus les diplômes... Elle publia 25 recueils de poésies, écrivit des nouvelles et 120 chansons avec 12 musiciens différents.
Martial Maynadier, son fils, représente l’Académie en région normande, et poursuit l’œuvre de Blanche qui repose au Père Lachaise dans la division 96 non loin de celle d Edith Piaf.
Blanche voit le jour en 1923 à Molay dans une famille d’agriculteurs. Très jeune, elle perd sa mère emportée par la tuberculose. Son père, qui attendait un garçon, l’initie aux travaux de la ferme. De ce fait sa scolarité est plus que chaotique. Elle fréquente l’école lorsque les travaux des champs le permettent : uniquement l’hiver. Ce qui ne l’empêche pas d’obtenir son certificat d’études à 13 ans.
Épuisé par le travail et cinq ans de guerre, son père décède en 1937. Avec ses deux sœurs, elle est recueillie à Paris par une grand-mère sévère et intransigeante qui ne laisse que peu de liberté à ses petits enfants. Elle refuse de se plier à la volonté de son aïeule qui veut en faire une bonne à tout faire et préfère travailler comme ouvrière. Mais elle doit affronter les moqueries de ses camarades pour son accent, son look de paysanne…
Fascinée, éblouie, attendant tout de toi,
Je t’ai tendu les bras … Comme une girouette
J’ai tourné dans ta foule et j’ai subi ta loi :
Elle a seize ans lorsque retentissent les grondements de la seconde guerre mondiale mais pour Blanche c’est le temps des premiers émois amoureux. Elle convole en justes noces avec Pierre Maynadier, gardien de la paix. De cette union naissent Monique, qui deviendra psychologue, et Martial qui embrassera la carrière de professeur de Lettres. Blanche se cultive tout au long des études de ses enfants qui font sa fierté. Malheureusement les restrictions dues à la guerre, le caractère difficile de son mari affectent la santé de Blanche qui pense être victime d’une malédiction et qu’elle va mourir au même âge que sa mère. Mais l’écriture va la sauver. Elle consigne dans un cahier bleu (qu’elle cache pour éviter les moqueries de son mari) ses souvenirs d’enfance qui deviendront «l’école des champs», publié en 2000.
En 1954, lors d’un séjour en maison de repos, elle fait une rencontre déterminante : Jocelyn et Graziella de Lamartine. Ses deux enfants l’encouragent à poursuivre. Blanche tombe dans le chaudron de la poésie même si la route est semée d’embûches, elle s’accroche et rien ne peut arrêter sa plume. Chemin faisant, elle s'affirme dans les milieux littéraires et gagne en confiance.
Un jour, se faisant passer pour une petite fille désireuse de dessiner des roses pour sa mère malade, elle écrit à Picasso. Stupéfaite, elle reçoit peu de temps après, la jolie rose demandée, dessinée de la main du Maître, qui n'avait pourtant pas la réputation d'un grand sensible... Confortée par le pouvoir des mots, elle ne cessera plus jamais d'écrire.
Une vie
Aujourd’hui, l’âge est là, j’ai réussi ma vie
Puisque j’ose à l’instant vous parler poésie.
Je ne regrette rien. Avec l’aide du temps,
Je me suis fait poète et je vis en rêvant.
Livres, poésies, chansons et histoires pour enfants, deviennent le but de sa vie. Cependant tout a un prix et pour publier son premier recueil de poésies « Messidor », elle doit vendre à regret, la jolie rose de Picasso...
A force de travail et de ténacité, Blanche est reconnue dans les cercles littéraires, sans toutefois renoncer à sa poésie qui se voulait simple, mais profonde, chantant ses amours et l'attachement à sa terre jurassienne.
Elle n’oubliera pas non plus ses racines paysannes. Toute sa vie elle cultivera quelques lopins de terre, d'abord à Paris dans un jardinet, car son besoin de semer, planter, récolter et travailler la terre était viscéral. Puis dans le Jura, du printemps à l'automne.
Blanche rejoint le Parnasse des poètes le 18 novembre 2004 et repose au Père-Lachaise dans le caveau familial.
Son cœur était celui d'une poétesse mais également celui d'une paysanne. Elle semait les mots pour en faire des bouquets de roses.
Mireille Héros
Les poètes rendent hommage à Blanche Maynadier à Evreux