LA FANTAISIE EN FA MINEUR
Le beau roman de Gaelle Josse paru en 2017aux Ateliers Henry Daugier « Un été à quatre mains » imagine en 1824 une idylle discrète au château hongrois de Zseliz entre Franz Schubert (27 ans) et la jeune comtesse Caroline qui avait 19 ans. La déchirante fantaisie en fa mineur, qui lui est dédiée, existe réellement et a été jouée à Vienne en 1828, peu avant la mort du compositeur. J’ai pris la liberté de me mettre dans sa peau pour écrire ce poème.
Voici des mots, voici des notes,
Faut-il que je vous les sifflote ?
Au château, j’ai connu deux sœurs
Et la cadette a pris mon cœur
Au cours des leçons de musique
Devant son regard pathétique,
J’ai composé, pour quatre mains,
Avec des croisements soudain,
Qui font en sorte que se frôlent
Ses beaux bras avec mes épaules,
Et c’est donc sans nécessité
Que j’inventai mille touchers,
Ces mouvements étaient si tendres
Qu’on oublia de les entendre :
La fantaisie en fa mineur
Je l’ai faite avec tout mon cœur,
Tant de musique est à écrire
Que je n’ai jamais su le dire,
Et ces aveux inavoués
Méritent bien l’éternité.
Daniel ANCELET
INSPIRATION
Je rêve tout mon saoul dans le fond des forêts,
Mais aux bords des châteaux du roi fou de Bavière
La cloche au fond du lac appelle à la prière
Et je mets dans mes vers les seuls mots qu’il me plaît.
LA LETTRE ET L’ESPRIT
Si le chien n’a qu’un maître,
Le chat a ses amis,
L’un y met son esprit,
L’autre applique la lettre.
BROCÉLIANDE
Cherchant le roi Arthur et Merlin l’Enchanteur
Dans les forêts profondes,
J’ai vu Leroy Merlin offrir des tables rondes
À quelques bricoleurs.
LES ANNÉES FOLLES
Revoici donc les années folles,
On change de sexe à l’école,
Et pour un bonheur plus complet,
On ne parlera que l’anglais.
Daniel ANCELET
LA PEAU DOUCE
Je suis comme le roi d’un pays pluvieux,
Riche mais impuissant, jeune et pourtant très vieux.
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
Oui, les souris ont la peau douce
Pour un vieux matou comme moi,
Que ce soit en ville ou en brousse,
Pour elles je lève le doigt.
Lorsque je songe à leur frimousse,
J’en suis raide dingue, ma foi,
C’est un peu d’eau sur de la mousse,
Le soleil d’or d’un grand pavois.
Pour cette petite secousse
Je donnerais n’importe quoi,
Je lèverais encor le pouce,
Si jamais j’en avais le choix.
Un rien d’elles donne la frousse
Et de ce rien je suis le roi,
Parce qu’elles ont la peau douce
Et que je ne suis pas de bois.
Daniel ANCELET