Né dans les années 70, Loren-Victor Derussant a été nourri dès son plus jeune âge au lait de la poésie. Sa maman éprise de l’alexandrin, le berçait avec les tirades de Racine (Phèdre, Athalie...)
Il n’a pas dix ans, que, déjà, Corneille, René-Guy Cadou, Paul Eluard, Maurice Carême, Guillevic, Paul Fort, Jean Tardieu, Robert Desnos, Guillaume Apollinaire, Jacques Prévert, Pierre Gamarra, Marie Gevers... peuplent son univers au travers d’anthologies pour enfants. Puis il découvre la poésie engagée de Louis Aragon grâce à Léo Ferré et Jean Ferrat.
Mais son véritable choc poétique intervient lorsqu’il a treize ans. Il est véritablement happé par Alphonse de Lamartine alors qu’il se trouve à Novossibirsk, en Sibérie, puis par Charles Baudelaire et Charles Péguy : « mes trois premiers vrais maîtres », affirme Loren-Victor Derussant. Sur sa lancée, il compose à dix-sept ans Ingrid, une tragédie classique en cinq actes et 1674 vers qu’il...ne publiera pas !
Son second choc poétique survient lorsqu’il lit la Thèse de littérature de Frédéric Durand, Suède Moderne, Terre de poésie. Il s’ensuit un échange épistolaire avec l’auteur, alors professeur de suédois à l’université de Caen : « Je lui dois énormément car il m’a encouragé à écrire, m’a rassuré en me disant que j’étais un vrai poète ».
Après une période « Romantique », dans la veine de Lamartine et du Musset des « Nuits », Loren-Victor Derussant commence à publier ses poèmes en 1992. Six recueils, à compte d’auteur, tirés à une centaine d’exemplaire, verront le jour. Il s’oriente vers le Parnasse, le refus de l’engagement, l’art pour l’art tout en adorant la musicalité et le mystère de la poésie symboliste.
Sociétaire des Poètes Français, il publie en 2025 un septième recueil : Hortensias
bleus Océan vert.
« Sur des pensers nouveaux, faisons des vers anciens » ce vers d’André Chénier résume la démarche poétique de Loren Victor Derussant qui a fait de « La Jeune Captive » son poème préféré.
Propos recueillis par Mireille HEROS
Gunnar EKELÖF
ou
Le roi Erik revient parmi nous
Le roi Erik revient, le roi Erik est là,
Dans ce géant drakkar, si sombre sous la lune.
Se serait-il enfui des nuits de l’au-delà ?
De ce néant profond, couleur de la lagune ?
Son corps est décoré des trésors des sagas,
Sur son cœur est posé le lourd livre des runes.
Le roi Erik revient, le roi Erik est là,
Dans ce géant drakkar, si sombre sous la lune.
Un scalde échevelé nous raconte, à tribord,
Comment le roi Erik a rencontré la mort
Tandis qu’il défiait le vent doré des dunes.
Puisqu’un charme cruel alors le renversa,
Peuple, tu peux pleurer – notre peine est commune :
Le roi Erik revient, le roi Erik est là !
Qu’importent l’or, la pourpre ou le festin,
La Mort nivelle et rase les couronnes,
Les fiers gisants, les ombres qui frissonnent
Sont dévorés d’un même noir destin.
Fais ton palais ou ton lit de satin,
Toujours au tombeau le Sort t’abandonne.
Qu’importent l’or, la pourpre ou le festin,
La Mort nivelle et rase les couronnes.
Ce que tu crois tien n’est que parchemin,
Souffle d’orgueil qui la vie empoisonne.
Sois conséquent : refuse toute aumône
Car tout écu cherra de notre main.
Qu’importent l’or, la pourpre ou le festin.
Elle allait triomphante, orgueilleuse en sa grâce,
Le col nu, les appas débordant le corset,
Et les Grands de la Cour, le cœur pris au lacet,
Brûlaient d’un feu muet sur l’ombre de sa trace.
Sa gorge, vaste orgueil, insolence fugace,
Excitait les désirs en un piège parfait,
Et son œil allumait, d’un clin vif et discret,
Des bûchers où les ducs s’égarent et trépassent.
Mais le Temps, ce maraud, profana sa grandeur
Et la belle ne put exprimer sa douleur
Qu’en s’adressant, vaincue, à son cruel bourreau :
« Saturne, rends-moi donc celle que j’ai été !
Tu châtias une femme aimable, sans défaut
Et je ne souffre point cette méchanceté ! »