Petite plume duvetée,
Tu te berces suivant l’accord
Des brises légères, des vents.
Loin de l’oiseau, tu t’es hâtée.
Lui qui ne vole pas encore
Reste en son nid, toujours prudent.
Tu danses devant ma fenêtre.
Je ressens toute ton ivresse.
Tu es jolie et tu es libre.
Tu te balances, heureuse d’être…
Un demi tour puis tu me laisses…
Sur ton chemin les ondes vibrent.
Tu t’éloignes vers d’autres cieux,
Vers les champs, les bois, les maisons,
Sans doute vers mon bien aimé.
Duvet fragile et gracieux
Sois-lui bien doux. Que ton frisson
Conduise à son volet fermé.
Christine Tournier
Les affres des lointains s’abolissent au cœur
Tandis que les cieux sombres s’effacent au matin.
L’éveil des solitudes s’angoisse de pudeur,
Quelque peu enivrées des douceurs du satin.
La brume ensevelit les maisons de velours,
Ouatant de coton pâle les murs engourdis.
Paris est une fée qui se vêt de pas lourds
Aux lumières évanouies si tôt avant midi.
La cité grouille et hurle aux crissements des roues,
Les chauffeurs ahuris invectivent les feux,
L’asphalte brûle et glisse aux trottoirs plein de trous
Que la foule éperdue foule en ses pauvres vœux.
Dictature des mots abrutis de silence
Où chacun vaque absent en chagrin inconscient.
Le peuple indifférent en marée basse avance
Dans la ville engloutie sous le flot impatient.
Je vois le soleil croître aux toits qui s’illuminent.
J’entends les sons lointains des blés courbés au vent.
Au-delà des façades les champs se dessinent
En un rêve troublé qui me jette en avant.
Je vague dans la vague où pourrit tout espoir
Pour faire que demain soit serein et précieux.
Le béton devient rose au soleil fou du soir
Et la ville s’apaise en ouvrant grands ses yeux.
Christine Tournier
Il se tient là, serein, affable et disponible :
La mort est son métier mais son être est la vie.
Il sourit tendrement aux êtres irascibles,
Les rendant simplement transformés et ravis.
Il est un magicien de l’essence des choses.
Sa lumière est subtile et tendre tout ensemble.
Face à lui le méchant, le mécréant, se posent,
S’apaisant au secret de la relation d’amble.
Il décrit l’au-delà comme endormissement.
La peur s’évanouit aux portes du destin
Car nous allons tous être un jour ces blancs dormants
Quand le souffle épuisé enfin sera éteint.
Son énergie ténue accompagne les âmes ;
Il comprend les secrets que nul n’a prononcés.
Sa voix heureuse vibre un chapelet de gammes
Dont le ressort sertit l’endeuillement bercé.
Pas de danse funèbre ou macabre ou amère
Mais un oratorio pour les décors hantés
Où l’on ne craint plus rien des affres éphémères.
Il abolit le seuil du miroir enchanté.
Christine Tournier